Spiritualité ignacienne entre France et Autriche

[THINFELD (Josèphe de) (née de Schick)]

Exercice journalier de piété à l’usage de Madame Josèphe de Thinfeld, née de Schick

En français et en latin (quelques légendes de gravures en allemand), manuscrit décoré sur papier, truffé de 16 gravures sur cuivre

Bavière (?) ou Autriche (?), s.l., daté 1776.

138 pp., texte copié à l’encre brune, avec signatures et réclames, le texte placé dans un double encadrement, soigneusement copié sur le modèle d’un livre imprimé, signé au bas du titre « scr[ipsit] J ». N., titre inscrit dans un encadrement rocaille dessiné au lavis gris, un bandeau dessiné (p. 1), 16 gravures par Klauber, Göz ou Kauperz.

Reliure de chagrin noir, mince guirlande d’encadrement avec fleuron aux angles estampés à froid, dos à nerfs soulignés de fers à froid, roulette dorée intérieure, doublure et gardes de papier dominoté, tranches dorées, étui de basane noire (bord de l’étui détaché, restauration possible, déchirure marginale sur une gravure face à la p. 33). Dimensions : 170 × 150 mm.

Bel exemple de cal­li­graph­ie réal­isé pour une femme dont on sait peu de chose, outre sa cul­ture française et alle­mande, sans doute bav­aroise ou une française mar­iée en Autriche (ou Bavière ?). Est-elle membre de la famille de Got­tlieb Schick, peintre sou­abe, élève de Dav­id ? On con­nait à Graz (Autriche) le Pal­ais Thin­feld, pal­ais baroque érigé en 1740 – 1742 par l’architecte Ant­on Mar­tinelli pour Ant­on Thinn, anobli Thinfeld.

L’ouvrage se place dans la mouv­ance des Exer­cices spirituels d’Ignace de Loy­ola, ouv­rage de prière faite de médit­a­tions pro­gress­ives et sys­tématiques : « Par ce ter­me d’exercices spirituels, on entend toute man­ière d’examiner sa con­science, de méditer, de con­tem­pler, de pri­er vocale­ment et men­tale­ment, et d’autres opéra­tions spirituelles, comme il sera dit plus loin. De même, en effet, que se pro­men­er, march­er et courir sont des exer­cices cor­porels, de même appelle-t-on exer­cices spirituels toute man­ière de pré­parer et de dis­poser l’âme pour écarter de soi toutes les affec­tions désor­don­nées et, après les avoir écartées, pour cherch­er et trouver la volonté divine dans la dis­pos­i­tion de sa vie en vue du salut de son âme » (Ignace de Loy­ola, Exer­cices spirituels, « Première annotation »).

Les textes altern­ent entre « pensées » (« Dernière pensée de la journée »), « act­es » (« acte de sat­is­fac­tion » ; « acte de demande » ; « acte de remer­ciement »), « réflex­ion » et « prière », avec par exemple des « Pensées par­ticulières sur chaque jour de la semaine », rap­pelant de nou­veau les « semaines » des Exer­cices spirituels, d’inégales lon­gueurs, adaptées de man­ière per­son­nelle au chemine­ment spirituel du retrait­ant. On trouve des « Pieuses affec­tions de saint Thomas d’Aquin » (p. 98). La spir­itu­al­ité ignacienne est dir­ecte­ment invoquée avec les « Soupirs affec­tueux de saint Ignace evers [sic] Jesus souf­frant » (p. 137).

Les grav­ures de style baroque qui parsè­ment l’ouvrage sont un sup­port de dévo­tion et de médit­a­tion. On sig­nalera une grav­ure fig­ur­ant saint Jean Nepocumène (Bohème) dont le culte se répand dans les pos­ses­sions de la Mais­on de Habs­bourg. Une de ces grav­ures (face à la p. 98) est réal­isée d’après le dessin de Göz et fig­ure une sorte de fon­taine avec la légende en alle­mand : « Der para­de­is brun geisst sich aus es trinc­ten alle ständ dar aus ». Ces grav­ures trahis­sent une esthétique jésuite cer­taine, avec par exemple celles gravées par Klauber (une vérit­able « dyn­astie » de graveurs) et Gottfried Bernhard Göz (1708−1774), tous actifs à Augs­bourg et un temps asso­ciés. Nous savons que le graveur Göz fréquenta les écoles jésuites (voir E. Isphord­ing, Gottfried Bernhard Göz 1708 – 1774. Ein Augs­bur­ger His­tori­en­maler des Rokoko und seine Fresken, 1997). Le troisième graveur, Johann Veit Kauperz (1741−1816) fut actif en Autriche, not­am­ment à Graz.